Présenter une personne aussi complexe que Gemma Cora Vincenza en quelques brèves lignes serait un défi, mais ils sont là pour être relevés n'est ce pas ? Essayons donc. Cette jeune femme est née et a passé la majeure partie de son enfance à Milan, en Italie où elle y est née il y a vingt-quatre ans. Les études ? Cette déesse italienne ne les a pas connu, bien qu'elle aurait dû, et pu en faire. Si l'on considère le fait d'être une riche héritière alors, tel est son métier officiel. Prostituée de luxe, est aussi un nom qui qualifierais le statut professionnel de Gemma. C'est ce qu'elle fait, quelques nuits. Elle vend son corps en échange de sommes d'argent conséquentes, cependant elle choisit elle même ses clients, et refuse les personnes dérangées. Comment trouver un homme qui accepterait son métier sans rien dire ? La miss est donc célibataire, et tout compte fait ça n'est pas plus mal. Et puis, elle est juste célibataire. Jamais personne n'a dit qu'elle avait le coeur libre.

Assise près de la fenêtre du petit appartement que la jeune femme venait de louer, elle posa délicatement sa tête sur le mur, pour s'y appuyer. Sur les genoux de Gemma, se trouvait un vieux callepin qu'elle transportait partout avec elle. Dedans, elle y écrivait et décrivait ses journées, ses émotions. Ce petit journal était en quelques sortes son confident, car depuis quelques années l'idée de s'attacher réellement à quelqu'un ne lui plaisait plus. D'apparence, cette brune sulfureuse semblait mener la belle vie, après tout elle était une riche héritière ( bien qu'elle ait perdu une bonne partie de sa fortune ), et pouvait avoir tous les hommes qu'elle désirait. Physiquement, en tous cas. Gemma baissa légèrement la tête, et ouvrit l'objet posé sur ses genoux. C'est avec un air nostalgique qu'elle le prit au début, et se remit à lire ses quelques souvenirs passés.

« Gemma, Gemma viens ici tout de suite ! » Du haut de mes douze ans, je faisais mine de ne rien entendre. Bien que la personne qui m'appelait voulait faire preuve d'autorité sur ma petite personne, je ne daignais pas bouger d'un centimètre. La situation était simple et banale, pour moi; une des multiples nourrices que j'avais eu pendant mon enfance me reprochait d'avoir fait quelque chose qu'elle m'avait interdit, et comme d'habitude j'aimais braver les interdits. Les nourrices, c'était la solution que mes parents avaient trouvés pour combler leur absence quasiment de tous les jours. Avec l'argent bien entendu. Posé sur mon lit, je sirotais un jus de fruit tout en regardant une de ces séries télévisées pour pré-adolescents, autrement dit l'autre pouvait encore courir pour que j'aille quelque part. Un fin sourire narquois vint s'installer sur mon visage quand j'entendis les pas de.. Comment s'appelait-elle déjà ? Carla..Car.. Carmen ! Voilà, c'était ça, cette Carmen pensait qu'elle pouvait me mener par le bout du nez, mais c'était bien évidemment mal me connaître. J'étais d'une telle arrogance, que quand cette-dernière fit irruption dans ma chambre je ne posais même pas un regard sur elle pour lui parler. « On toque aux porte, quand on est poli. », j'avais conscience de la rendre folle, car mon ton était neutre et ne dégageait aucune expression. « Tu ne me parles pas sur ce ton s'il te plaît. Tu n'entends pas quand je crie ton prénom ? » Sans lui accorder plus d'attention, et avant d'avaler une autre gorgée je lui servit une réponse digne de ce nom. « Si. Je suis juste un peu occupée là, tu vois. » Je me demandais vraiment combien de temps elle allait tenir, celle-là. Une semaine, deux ? Un peu d'optimisme, deux semaines et demi à tout casser. « Gemma, si tu continues comme ça, je vais devoir faire part de ton comportement à ton père. » Je lâchais un petit rire, elle pensait vraiment me mettre un coup de pression en déclarant de telles paroles ? « Oui, et alors ? Je nierai tout en bloc, et tu ne mettras plus un pied dans ce château. » Oui, j'habitais dans un château, merci papa. Ma mère ? Elle avait décidé de refaire sa vie avec un riche homme d'affaire, m'abandonnant à mon paternel. Je la revoyais tous les six mois environ, et surtout, je la détestais du plus profond de mon coeur.

Gemma releva la tête, et inspira longuement. Elle devait avoir une quinzaine d'années quand elle écrivait ces lignes. Si elle avait idée de la vie qu'elle mènerait à présent, si seulement elle avait eu le pouvoir de changer toutes choses, elle le ferait. La peste qu'elle était enfant s'était juste transformée en cette espèce de croqueuse d'hommes en manque d'affection. Le pire était qu'elle en avait conscience, et qu'elle n'arrivait tout bonnement pas à y remédier. Quelques secondes plus tard, la jeune femme tenta de chasser ses idées noires de ses pensées, et se replongea dans sa lecture.

J'ai arrêté l'école à dix-huit ans. Autrement dit, j'ai eu mon diplôme et j'ai fait mes adieux aux bancs de l'école. Raison ? Tout simplement, je ne me voyais pas continuer à aller en cours, assise à prendre des notes. Avoir des devoirs, oraux et toutes ces conneries. J'en avais envie fini avec tout cela, et puis je ne manquais de rien. Merci papa, encore une fois. Il est vrai que lui et moi on était pas très proches, mais les quelques rares moments de complicités qu'on avait me marquaient vraiment. Je me souvenais de chaque image, détail ou odeur. Lui aurait préféré que je continue, comme tous les parents mais il ne pouvait pas m'obliger à faire quelque chose dont je ne voulais plus entendre parler. J'avais commencé à faire quelque chose qui est plutôt ma vu par la société.. Au début c'était juste pour « voir comment ça faisait. » et puis, j'ai continué car cela me permettait de me faire de l'argent facile, très facile. Il était vrai que malgré mon jeune âge j'avais déjà un physique bien avantageux. Alors, oui pourquoi aller risquer ma vie tard, dans les rues de Milan, alors que j'étais issue d'une classe sociale plus qu'aisée ? Eh bien, au début j'avoue que je ne comprenait pas moi même pourquoi je faisait cela. Oui, bon explorer mais pourquoi ce métier précis ? Peut-être que j'avais envie de sortir de mon environnement favorisé et voir certaines réalités de la vie. Avec du recul, je sais que je fais ce métier parce qu'il me plaît plus ou moins. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, je me fais aussi plaisir donc tout le monde est content. Depuis le début, j'ai fait le choix de choisir mes clients, ce n'était pas comme si j'étais fauchée et que j'étais obligée d'accepter tout ce qui passait là dehors. Il fallait l'avouer, il y avait vraiment tout et n'importe quoi.

La suite, Gemma la connaissait par coeur. La raison de sa venue en Nouvelle Zélande se trouvait d'ailleurs dans l'une de ses pages. Elle avait écrit pour la dernière fois dans le journal quelques jours auparavant, ce qui n'était que la continuité d'une longue et sombre histoire. Gemma repensa à la promesse qu'elle s'était faite en entrant de ce milieu, et qu'elle n'avait pas tenu une seule fois. Cette cette seule désobéissance à elle même qu'il l'avait conduit à ce qu'elle était en train de faire aujourd'hui.

« Bonsoir mademoiselle. » Je me rappelle avoir tourné la tête vers la belle voix qui semblait vouloir attirer mon attention. Oui, c'était bien moi qu'il voulait. Charmeuse, je lui fis un clin d'œil, et le dévisagea de haut en bas, avant d'annoncer mon verdict. Pas mal, pensais-je. « On y va ? », puis on loua une chambre d'hôtel non loin de là, pour y faire ce que l'on avait à faire. Pourtant à la fin de nos ébats, il me fit part d'un problème d'argent, et qu'il ne pourrait pas me payer dans l'immédiat. Surprise, je me demandais alors pourquoi il était venu me voir, si payer lui était impossible; il était tant en chien que ça ? L'expression faisait vache, mais à ce moment je ne voyais pas d'autres solutions. Je ne le connaissais pas, mais il avait ce quelque chose en plus que les autres. Je ne m'attachais jamais à eux – les clients – mais mon coeur en avait décidé autrement. Il m'avait aussi confié qu'il n'avait nul part où aller, et là j'aurais du comprendre, je l'avais peut-être même inconsciemment comprit, mais comme déjà dit je l'aimais bien. Idiote que j'étais, j'avais accepté de l'héberger chez moi, et mon chez moi n'était pas n'importe quoi. J'avais beau avoir quitté le château de mon père adoré, ma nouvelle habitation n'avait absolument rien à lui envier. C'était un loft qu'un architecte de renom m'avait dessiné, et qu'un décoratrice d'intérieur très en vogue m'avait aménagé. Ezechyel, tel était son prénom. A vrai dire, je ne savais pas grand chose de lui, il parlait très peu de sa personne, et bizarrement je ne lui avais pas demandé plus d'informations, à croire que j'étais droguée quand je l'ai accueilli chez moi. Cependant, le temps passait et je ne voyais toujours aucune entrée d'argent je commençait vraiment à me poser des questions. Puis vint le temps des disputes, ce que je ne supportais d'ailleurs pas. Je m'étais attachée à lui d'une manière incompréhensible je l'avoue moi-même. Mais je l'appréciais beaucoup, c'est sans doute cela qui m'empêchait de le mettre à la porte du jour au lendemain. Un mois, puis deux moi. C'en était trop, j'avais tout donné et toujours rien ne se passait! Monsieur avait décidé de s'en aller, sans pour autant me dire quand ni comment. Comment pouvait-il aller quelque part s'il n'avait pas un rond ? Puis je compris. Tout depuis le début, et c'est je crois, la fois où je me suis trouvée la plus stupide dans ma vie. Je me suis réveillée, un matin. Le loft était vide, aucun signe de vie à part moi. Ses quelques affaires n'étaient plus là, et des tiroirs étaient ouverts de partout. Je bondis de mon lit et me dirigeai vers l'endroit où une grosse partie de mon argent était rangée. Je l'ouvris; vide. Choquée, je tombais au sol et me prit la tête dans les mains, pendant que les battements de mon coeur se faisaient de plus en plus rapides. Je fus soudainement prise d'un telle rage que je renversais tout sur mon passage. Il était parti, et avait tout prit. Tout ce que je possédais et qui était à porté de main, il l'avait emmené. Comment avait-je pu me fair berner à ce point là ? Pire, comment avait-je pu développer des sentiments pour cet homme qui n'en voulait qu'à mon corps et mon argent ? Je me vengerai. D'une manière ou d'une autre.

Enervée, Gemma referma violemment le petit carnet, et le fit même basculer à terre. Voilà quelques moi que cette folle histoire c'était passée. Après être tombée de si haut, se relever ne fut aps de tout repos mais elle y était arrivée. Dépouillée, elle s'était jurée de retrouver Ezechyel et de lui faire mordre la poussière comme elle le disait. La colère et la blessure étaient tellement profondes qu'elle était prête à tout. Faire irruption dans sa vie et tout bouleverser, de toutes les manières possibles et imaginables. Qu'avait-elle à perdre après tout ? Elle voulait aussi lui faire payer le fait de l'avoir fait tomber amoureuse de lui. Tout ces sentiments entremêlés étaient d'une confusion et d'une frustration extrême. Comment aimer quelqu'un qui vous avait tout prit sans plus donner aucun signe de vie était-il possible ? Gemme n'en avait aucune idée, et pourtant c'est bien ce qui lui était arrivé. Grâce aux quelques informations qu'elle avait eu de lui, elle avait su qu'il vivait en Nouvelle Zélande, et qu'il avait à présent une vie tranquille. Et bien ce calme n'allait plus durer très longtemps, c'était sans compter sur Gemma.