Présenter Heath Zachary Macintyre sera rapide. Simple. Net. Tout comme lui. Il est né à Fiordland, le fantastique pays des fjords un fameux vendredi 10 novembre 1970. Il y a vécu pendant 38 ans. Inutile de se demander après d’où lui vient ce côté aventurier et solitaire. Cela fait maintenant deux ans qu’il a emménagé avec sa fille Zoey, âgée de 17 ans, à Akaora. Pour quelles raisons ? Cela ne regarde personne, vous répondra-t-il. Peintre de métier, il sort très peu de chez lui, maison isolée de tous et est connu pour son caractère « sauvage ». Pourtant, tout le monde le connait … et il connait tout le monde. Du moins, les habitants savent qu’il est peintre, qu’il a 40 ans et qu’il a une fille. Mais sans femme dans sa vie. Veuf.

« Pourquoi faut-il qu’on déménage » ? me demanda-t-elle une nouvelle fois.

C’était loin d’être une décision facile. Mais c’était la seule. Rester à Fiordland ne ferait que nous détruire. Pas seulement par le chagrin. Mais par les accusations.

« Je t’ai déjà expliqué pourquoi, Zoey. Ne me force pas à me répéter ».

J’avais toujours été quelqu’un de bourru et de renfermé. Parler de mes sentiments n’était pas mon fort. Pas plus avec ma fille qu’avec les autres. Elle était pourtant tout ce qui m’importait. La seule personne qui comptait à présent. Même si elle l’ignorait.

« Franchement, c’est pas cool, Heath », avait-elle pris l’habitude de m’appeler ainsi. Les « papa » avaient bien disparus depuis longtemps. « J’ai tout ici, mes amis, ma vie, mes habitudes … hey, tu m’écoutes » !

Nos relations avaient également toujours été explosives. Parce qu’on était semblable. A peu de chose près. Avant, Sally était là pour calmer le jeu. Pour arbitrer, comme elle le disait. Seulement, depuis un mois, elle n’était plus là. Certaines rumeurs étaient lancées. Certains paris aussi. Comme si nous avions besoin de ça en ce moment. L’avais-je tué ? A force de les entendre, je me le demandais moi-même … les preuves étant absentes, je n’avais pas été inculpé. Mais les soupçons étaient présents. Tels un fléau, ils m’entouraient et me narguaient. Quelle autre option que celle de partir ? De recommencer à zéro.

« Fais ta valise, Zoey. On s’en va, un point c’est tout ».

Et elle n’avait pas à argumenter. Elle le savait. Elle me détesterait pour ça. Elle m’en ferait baver. Et je lui rendrai la monnaie, comme toujours. Mais on avait besoin d’un nouveau départ. D’une nouvelle chance. Après 38 ans de routine, ma vie changeait du tout au tout.

[...]

Aujourd’hui, elle ne cessait d’évoluer. Zoey avait 17 ans et avait fini par s’habituer à sa nouvelle vie, non sans m’en mettre plein la vue. Entre crises existentielles, rébellion et j’en passe, on était passé par tous les stades possible. Pour en finir à un respect mutuel. Elle avait mûri, bien vite d’ailleurs. On avait fini par tisser un lien unique. Si j’étais toujours l’homme taciturne et solitaire que j’avais toujours été, elle était la seule à me connaitre réellement et à me cerner. Et elle était tout le contraire de moi.

Enjouée, dynamique et sociable. Elle s’était fait une belle bande d’amis, qui refusait de venir à la maison quand j’y étais, c’est-à-dire presque tout le temps. Voilà qu’elle était ma réputation, et ça me convenait parfaitement. Certains avaient réussi à m’accepter tel quel. D’autres me regardaient bizarrement quand je me déplaçais en ville. Mais il me fallait bien bouger de temps en temps, ne serait-ce que pour faire les courses.

Le passé était le passé, mais les rumeurs circulaient encore. Moins présentes, certes. Mais toujours là. Et pourquoi n’est-il pas marié ? Où est la mère de Zoey ? A ce qu’il parait il l’a tué … Elle serait morte noyée dans sa salle de bain … Non, elle serait tombée des escaliers … Cela ne m’étonnerait pas, il est si … sombre.

Où se trouvait la vérité dans tout ça ? Quelle importance ? J’étais là et j’aimais mon travail autant que ce petit coin tranquille. Peu importait les « on-dit ». Tant que je pouvais vivre en paix, sans qu’on me fasse chier (et mon attitude était là pour y veiller) et que ma fille s’épanouissait … plus rien d’autre ne comptait.

Jusqu’à ce que les choses se chamboulent de nouveau …