Assise au comptoir, un verre de téquila entre les mains, elle hésite. Elle ne sait rien faire d’autre. Toute décision donne naissance à une hésitation. Tous les soirs depuis un peu plus de deux mois, elle se retrouve ici, sur ce même siège, devant ce même verre. Ces derniers temps, sa vie n’est qu’un brouillard épais, qu’elle n’arrive pas à traverser. Elle n’arrive plus à trouver la lumière qui donne un sens à la vie. Sa vie n’a plus aucun sens. Elle se sent seule, perdue, sans direction. La vie se résume-t-elle vraiment à ça ? On vit, on meurt. Point. Tout ce qui passe entre ses deux dates a-t-elle une réelle importance ? Margaret sait où elle est nait. Ici même à Akaroa. Elle a grandit dans ces mêmes rues, qui aujourd’hui, sont les témoins de sa descente aux enfers. Elle n’a jamais quitté cette ville, si ce n’est, une fois, pour découvrir le monde, comme elle disait à cette époque. Mais la vie ne lui a pas laissé la chance de découvrir le monde. La vie ou plutôt le cancer de sa mère, la seule personne qui avait une quelconque importance pour elle. Maggie n’a jamais connu son père. Sa mère a été son unique modèle, son unique appui durant toute sa vie. Même son nom de famille était celui de sa mère. Et maintenant, elle était partie et Maggie se retrouvait seule. D’une traite, elle descendit sa téquila, pour inhiber la douleur qui s’immisçait doucement, mais très certainement dans sa tête. Elle y préférait la chaleur de l’alcool. Elle se souvenait encore du moment où la vie avait quitté le corps de sa mère.

▬ 25 octobre 2010 - Hopital

« Enlevez-lui ces menottes. » « Bonjour à vous aussi infirmière Walker. » Margaret lança un regard noir à l’officier chargé de surveiller le patient délinquant. « J’ai pas de temps à perdre officier et je peux pas prendre ses constantes avec tout cet attirail. » « Vous allez devoir faire avec, je les enlèverais pas. » En plus d’être têtue, Maggie était futée. Elle ne se laissait pas marcher sur les pieds. Si on ne faisait pas ce qu’elle voulait, elle prenait les choses en mains pour obtenir ce qu’elle voulait. Elle sortit de la chambre, se dirigea vers le placard de l’homme d’entretien et prit une pince. Très rapidement, elle retourna dans la chambre et coupa les menottes. « Wow qu’est ce que vous faites ? » « Mon travail. » répliqua-t-elle sur un ton froid. Elle connaissait ce genre d’hommes, qui pensait avoir tous les droits, parce qu’ils avaient un pistolet à la ceinture. « C’est un homme dangereux. » Un éclat de rire s’échappa des lèvres de la jolie brune. « Il est dans le coma. » fit-elle remarquer, légèrement moqueuse. Son sourire s’effaça rapidement quand elle entendit la sonnerie de son bipper. Elle connaissait cette sonnerie, c’était celle attitrée à sa mère.

Laissant son travail en plan, elle sortit de la chambre et se mit à courir jusqu’à l’étage supérieur, destiné au service oncologique. Elle connaissait ce chemin par cœur, pour avoir fait le même depuis des mois. Mais cette fois-ci, les choses étaient différentes. Plus elle se rapprochait de la chambre, plus elle savait. Quelque chose n’allait pas. Rien n’allait depuis qu’on avait appris le cancer de Mme Dwayne, mais là c’était pire. Maggie pouvait le sentir dans sa chair. Sans la moindre hésitation, elle entra dans la chambre. Elle aurait mieux fait de s’abstenir. Le visage de sa mère venait d’être drapé d’un voile blanc. Des bruits se firent entendre, on tentait de lui parler mais elle n’écoutait pas, tout paraissait bourdonnement à ses oreilles. Son biper tomba au sol. Elle s’approcha de sa mère et attrapa sa main, murmurant des choses incompréhensibles. Aucune réponse ne se fit entendre, puis une main se posa sur son épaule et elle comprit.

Son monde s’effondra. Elle avait besoin d’air. Sa main lâcha celle de sa mère et elle recula, comme giflée par une réalité trop difficile à accepter. Nos parents étaient censés toujours être là pour nous et Margaret se retrouvait seul. Elle avait besoin d’air. Ses jambes ne lui répondaient plus. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle devait sortir. Le plus vite possible. Elle recula chancelante, avant de se mettre à courir. Arrivant dehors, elle se raccrocha à un poteau, alors qu’un cri s’échappa de ses lèvres. Un cri de désespoir et d’incompréhension. Son visage se retrouva contre un torse inconnu. Des bras empêchèrent sa chute et un parfait inconnu, sur qui elle criait il y a encore quelques minutes, fut témoin des larmes qu’elle laissa couler. Il lui murmura des mots, qui se voulaient rassurant. Il lui murmura que tout se passerait bien, qu’elle n’était pas seule. Mais elle était seule. Alors elle pensa à toutes ces personnes qui elles aussi, étaient orphelines et un trou béant se creusa dans sa poitrine. Elle était seule et plus rien ne se passera jamais bien.

Elle avait tout essayé pour sourire de nouveau, mais tout semblait faux. Même cette soirée. Elle voyait les gens s’amuser autour d’elle, danser, flirter. Une bande de garçons riait à une blague grasse qu’un des leurs avait fait et même ça lui semblait faux. Ces derniers temps, tout tournait au ralenti et Maggie ne ressentait plus rien. Son cœur était engourdi et elle ne ressentait plus rien. « Je t’offre un verre ma jolie ? » Maggie releva la tête, le regarda quelques secondes. Même les répliques cinglantes dont elle était l’experte ne venaient plus à elle. « Elle est déjà prise. » Le policier, toujours le même. A croire que ces derniers temps, il était son ange gardien. Elle devrait certainement lui dire merci, de l’avoir débarrasser d’un lourdaud de première, mais aucun son ne sort de sa bouche si ce n’est ces trois petits mots magiques, qu’elle adresse uniquement au barman. « Une autre téquila. » Ca ne résoudra pas ses problèmes, mais pendant l’espace de quelques instants, quand l’alcool glissait dans sa gorge, elle ressentait quelque chose. Une once de vie.

Bienvenue et bonne chance pour ta fiche.
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Merci
Je pense avoir fini (: