Je m'appelle lukhaïl aeron swich, fils du célèbre créateur d'une marque de cosmétique et d'une mère qui refuse de vieillir. Ils sont extrêmement superficiels, et j'ai sans doute hérité de leurs gênes. Ne dit-on pas qu'on ne choisit pas ses parents ? Cela étant dit, revenons-en à moi. J'ai à l'heure actuelle vingt-quatre ans à mon actif. J'ai vu le jour en juin, le douze, pour être exact. C'était dans une piscine, ma mère était complètement taré à cette époque. Je n'ai eu aucun frère ni soeur. Mais j'ai eu pas mal d'animaux, ce qui n'était pas plus mal au final. J'ai fait des études de lettres, seulement pour la forme. Puisqu'aujourd'hui, j'attends l'héritage de papa. Je suis célibataire à cette heure, si vous êtes intéressées, faites parvenir un CV. Je suis ici contre mon gré, c'est une punition pour tous mes excès. Et je le vis plutôt mal. Je n'ai qu'une envie, rentrer en Amérique !

de: lukhail.swich@hotmail.com à: gabrielle.stjames@hotmail.com objet: dear gaby.. « Ma douce gaby, J'ai bien reçu ton dernier mail, mais impossible de trouver le temps jusqu'à maintenant. La Nouvelle Zelande ? C'est pas vraiment mon délire. Je veux retrouver la chaleur de mon appartement New-Yorkais et ta présence par la même occasion. Ce que j'fais ici ? Les bars et apprendre à lire à des gamins, leur apprendre à parler aussi. Bref, la grosse loose. J'espère que tout va bien pour toi, que tu profites à fond et que tu ne m'oublies pas. Je suis tombé (en défaisant mes cartons, oui, oui, j'apprends à ranger.) sur notre vieille album photo, tu te souviens ? Et je me suis rappelé tous ces vieux souvenirs que j'aime tant. Tu te souviens, notre été à Paris ? On devait avoir quoi, treize ans ? Et nos parents étaient fous parce qu'on a passé une nuit dehors sans avoir nulle part où dormir et sans savoir parler le français à la perfection. Je me souviens encore très bien de la raclée que j'me suis mangé ce jour là! Mais qu'est-ce qu'on avait ri ! Dis-toi que je suis ici aussi un peu à cause de toi. Mais bon, je paye pour deux. Et notre séjour à Berlin, tu te souviens ? Sans un sous en poche, on était parti sans prévenir, pour faire le tour des bars. Qu'est-ce qu'on avait bu, putain. Et ces allemands chez qui ont avait passé la semaine, ils étaient franchement cool n'empêche. Enfin, il y a beaucoup de choses à raconter, et je suppose que tu viendras me rendre visite pour qu'on feuillète ensemble l'album. et puis, tu me manques beaucoup trop. Depuis quand tu as pris tant de place dans ma vie ? Cousine à la con. Sale petite conne. Je te laisse, je dois aller m'acheter des clopes avant d'aller bosser un peu. Je t'embrasse comme je t'aime. Ton adorable cousin, Lukhaïl. » »

C'est sur ce mail que je mets fin à ma connexion en éteignant l'ordinateur. Je m'étire longuement avant de regarder trente secondes la fenêtre. New-York me manque, je ne suis pas à ma place ici et je ne peux pourtant pas bouger tant que mon père ne l'a pas décidé. Putain, 24 ans et toujours à faire ce que son père lui dit, vous voyez le genre ? Je me permets un soupir de lassitude avant de me lever de la chaise pour gagner la porte d'entrée et enfin quitter l'appartement pour me rendre au tabac le plus proche afin d'acheter un paquet de cigarette. Non mais sérieusement, moi, dans l'humanitaire ? J'ai d'autres choses à faire quand même. Genre, faire le tour des bars, rester dans mon canapé avec ma cousine pour regarder de vieux films. Mais non, il faut que je sois ici, incapable de changer quoi que ce soit à la décision de mon père. Tout ça pour un héritage, c'est poussé quand même. Qu'est-ce que ça peut lui foutre que je fasse quelque chose de "bien" ou pas ? Puisque je reprendrais dans tous les cas la compagnie. C'est vraiment con. Je ressort du tabac, coince une clope une clope entre mes lèvres et plonge la main dans ma poche toujours en fulminant intérieurement contre mon père. Merde, j'ai oublié mon briquet.